Journée patrimoine local : Longpré et son trésor.
Lors du vernissage de la nouvelle présentation du dépôt d'art sacré au "Carmel", qui mettait en valeur la magnifique orfèvrerie retrouvée à Longpré-les-Corps-Saints, le maire de Longpré nous a suggéré de compléter cette découverte en allant visiter la collégiale et sa crypte.
Une journée de visites guidées sur ce thème fut alors organisée pour nos adhérents.
La collégiale Notre-Dame-de-l'Assomption de Longpré-les-Corps-Saints nous a été présentée le matin à 10h 30 par Sandrine Landre, présidente du syndicat d'initiative de Longpré.
Nous étions 28 Amis du Musée curieux de découvrir ou redécouvrir la crypte qui abrite les tombeaux des fondateurs de l'église.
Les photos ci-dessus montrent, à gauche le vieux porche gothique et, à droite, la façade restaurée dans la deuxième moitié du XXe siècle.
Mais sous terre se cache une crypte romane qui témoigne de débuts plus anciens.
Voilà qui donne une idée de l'histoire longue et mouvementée de cette église.
Statue du cénotaphe d'Aléaume de Fontaines. Ph JH
L'histoire de la collégiale est en effet liée à la quatrième croisade au cours de laquelle les croisés prennent Constantinople en 1202.
Aléaume de Fontaines, seigneur de Longpré, participe à cette guerre et acquiert une grande quantité de reliques. La liste comporte entre autres acquisitions des cheveux de la Vierge et de différentes Saintes, des parties d'ossements, de vêtements, voire des fioles de larmes ou de sang de saints personnages.
Aléaume ayant trouvé la mort en chemin, c'est son chapelain Vibert qui rapporte à Longpré le 4 août 1205, les précieuses reliques. C'est depuis lors que le village se nomme «Les-Corps-Saints».
Une collégiale est édifiée pour accueillir les pèlerins qui viennent en grand nombre prier devant les reliques.
Très abîmée pendant la guerre de Cent Ans, restaurée et consacrée en 1505, la collégiale subit de nouveaux dommages lors de la Révolution française puis à nouveau au début de la Seconde Guerre mondiale. En 1940 la flèche de l'église est détruite et l'église est incendiée pendant le bombardement qui détruisit le bourg de Longpré à 90 %.
Plus sur l'histoire du bourg et de la collégiale
Il ne subsiste des reconstructions successives de l'église que quelques éléments anciens comme le grand portail de style gothique, avec son tympan sculpté très abîmé, et la vieille tour-clocher. Ils sont protégés au titre des monuments historiques depuis 1908.
Sous l'église subsiste la crypte romane édifiée en 1190. Y est dressé le cénotaphe d'Aléaume de Fontaines, seigneur de Longpré, dont la collecte de reliques induisit l’édification de la collégiale.
On y trouve aussi une "mise au tombeau" du XVIe siècle. C'est chose rare car il n'existerait en France que cinq mises au tombeau en crypte.
Notre guide se souvient d'avoir vu la scène encore intacte, c'est-à-dire dans l'état dont témoigne la photo* reproduite ci-dessous à droite.
Les personnages ont été coulés en plâtre autour d'un "noyau de pierre", ce qui explique la facilité avec laquelle les "gamins du village" ont pu les dégrader dans les années 60, avant que les "anciens" ne s'en émeuvent et que des mesures soient prises.
*cf d'Emile Delignières "Les sépulcres ou mises au tombeau en Picardie", Plon 1906.
Une restauration a été faite dans les années 1970-80 sans que soient restitués les visages manquants.
La mise au tombeau fut probablement commandée par l’un des seigneurs de Longpré qui avait choisi d'être enseveli dans la crypte comme d'autres de sa lignée. Les sépultures ont visiblement depuis été ouvertes et pillées.
La "mise au tombeau" est en réalité une déploration et non un ensevelissement. Le Christ est allongé sur une table et deux amis tiennent un vase à parfums pour l'embaumement.
La tête du Christ, dont le visage est totalement détruit, porte de longs cheveux bruns bouclés. Des traces de polychromie, peu visibles, à d'autres endroits révèlent que l'ensemble de la scène était peint.
Joseph d'Arimathie à la tête du Christ est, comme Nicodème, coiffé d'un bonnet à larges revers sur des cheveux soigneusement bouclés. Ils portent tous deux de riches vêtements dont les parements sont finement détaillés.
A gauche de Joseph, Sainte Madeleine éplorée jette les bras en l'air, elle a malheureusement été vandalisée.
Au centre, vandalisés également, la Vierge pâmée est soutenue par St Jean.
A la gauche de St Jean, Marie-Salomé, richement vêtue et coiffée elle aussi, est manifestement bouleversée malgré les lacunes du visage.
On ne peut que regretter la bêtise des destructions en admirant sur les deux personnages à peu près intacts la finesse et l'expressivité des visages presque stylisés .
L'ovale du visage et les yeux en amande de Marie Cléophas en pleurs évoquent un Modigliani.
Quant à Nicodème, il est l'image de la sidération. La souffrance et l'incrédulité se lisent dans ses yeux fixes, presque exorbités.
La Collégiale
Elle fut restaurée dans les années 1950-1960 et décorée dans un style contemporain selon la volonté de l'abbé de l'époque.
C'est pourquoi les vitraux et le mobilier liturgique représentent un patrimoine religieux du XXe siècle tout à fait intéressant.
On peut lire sur la page Facebook du musée :
Le Trésor
Depuis le 2 février 2023, les dépôts d’œuvres d'art des communes de Longpré-les-Corps-Saints (douze pièces d'orfèvrerie – fin XIIe – début XIXe siècle) et d'Eaucourt-sur-Somme (statuette d'un Ecce homo - fin XVe siècle) ont intégré les espaces d'exposition permanente au cœur du dépôt d'art sacré et dans une nouvelle scénographie spécifiquement créée pour ces œuvres.
(in open-agenda Le Carmel - Maison du patrimoine)
Chapelle du Carmel - Maison du patrimoine - 36 rue des Capucins à Abbeville
Horaires d'ouverture Du mardi au samedi De 14h à 18h
Gratuit. Renseignement : 03 22 20 29 69
Le trésor consiste en un certain nombre d'objets protégés en tant que monuments historiques :
- le reliquaire des quatre docteurs de l'Église, en argent doré, daté du XIIIe siècle.
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le reliquaire de saint Vincent et de saint Théodore en argent ciselé, daté du XVIe siècle.
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la statuette-reliquaire : Saint Christophe en bois recouvert d'argent, daté du premier quart du XVIe siècle.
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le reliquaire phylactère : Création de l'homme et de la femme, Tentation du Christ dans le désert, quatrième quart du XIIe siècle-XIIIe siècle.
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un triptyque en bois peint.
La chapelle du Carmel-Maison du patrimoine est ouverte, ne manquez pas d'aller visiter le dépôt d'art sacré, c'est gratuit.