Ce sont les relations entre Jacques Boucher de Perthes et le musée de Saint-Germain-en-Laye qui ont motivé le choix de notre journée culturelle du printemps dans le cadre de 2018 Année Boucher de Perthes.
Les Amis du Musée Boucher-de-Perthes ont été reçus le 14 avril 2018 au Musée d'Archéologie Nationale par Mme Catherine Schwab, conservateur en chef, chargée des collections du Paléolithique et du Mésolithique.
Mme Schwab a eu la générosité de nous consacrer une conférence extrêmement intéressante sur :
Boucher de Perthes
et le Musée d'Archéologie Nationale.
Elle nous a détaillé les péripéties de l'entrée de la collection Boucher de Perthes dans le nouveau grand musée national voulu par Napoléon III. Ce dernier, passionné d'antiquité classique, auteur d'une Histoire de Jules César, avait lui-même dirigé des fouilles archéologiques sur le site d'Alésia et souhaitait créer un "Musée Gallo-romain".
Mme Schwab nous a expliqué comment, en partie sous l'influence des dons de Boucher de Perthes, le musée a finalement vu le jour sous la dénomination plus large de "Musée des Antiquités Nationales".
Cliché de la fin des années 1860. La salle 1 du nouveau musée est dédiée aux époques dites « anté-historiques » et plus précisément à l’Âge de la Pierre. Sur la cheminée, se trouvent à gauche Édouard Lartet (1801-1871), à droite Jacques Boucher de Perthes (1788-1868). © MAN/Archives
Boucher de Perthes joua en effet un rôle non négligeable dans la fondation du Musée d'Archéologie Nationale.
Le don de ses collections préhistoriques, aux côtés de celles offertes par Édouard Lartet et le roi du Danemark, entraînèrent une évolution du projet par rapport à l’intention première.
On décida alors que l'établissement allait retracer l’histoire de la Gaule, des origines "anté-historiques" au début du Moyen Âge et se nommerait "Musée des Antiquités Nationales".
Il fut inauguré le 12 mai 1867, en même temps que s’ouvrait l’Exposition universelle. Sept premières salles furent ouvertes au public trois jours par semaine. On y présentait le produit des fouilles ordonnées par l’empereur afin de localiser Alésia, des moulages et des maquettes relatives à la guerre des Gaules, la donation Boucher de Perthes et des collections offertes par le roi Frédéric VII de Danemark.
7601 objets étaient déjà inscrits à l’inventaire.
Extraits du site du Musée d'Archéologie Nationale :
La création du "Musée des Antiquités Nationales"
Le 1er avril 1865, la première réunion de la Commission d’organisation du musée [...] regroupe de grands noms de l’archéologie comme Alexandre Bertrand, Édouard Lartet, Félix de Saulcy et Jacques Boucher de Perthes.
Histoire du musée et histoire de l'archéologie
"L’histoire du musée des Antiquités nationales est inséparable de celle du développement de l’archéologie française et européenne.
Parmi les toutes premières collections à être entrées figurent celles de Jacques Boucher de Perthes aux environs d’Abbeville (Somme) qui révélèrent, à la fin du XIXe siècle, l’existence d’une humanité préhistorique antérieure de très loin aux Gaulois."
Ci-contre, la cheminée de la salle 1 fin XIXe, à gauche Édouard Lartet (1801-1871), à droite Jacques Boucher de Perthes (1788-1868). © MAN/Archives
Après la conférence, Mme Schwab nous a accompagnés dans la salle où est présentée l'exposition-dossier sur l'objet du mois : le biface acheuléen de Jacques Boucher de Perthes.
C'est non seulement le premier outil préhistorique donné par Jacques Boucher de Perthes inscrit sur l’inventaire du musée d’Archéologie nationale mais c'est en réalité le tout premier biface du MAN, enregistré en 1867 sous le numéro d'inventaire MAN 7061.
Nous remercions infiniment Mme Catherine Schwab pour cet accueil privilégié et pour le grand intérêt de sa conférence qui répondait exactement à nos attentes.
Le premier biface de Boucher de Perthes
En avril 2018, date de notre visite, en relation avec le 150e anniversaire de la disparition de Jacques Boucher de Crèvecœur de Perthes (1788-1868), l'objet du mois mis à l'honneur au MAN est le premier des bifaces de Boucher de Perthes.
Nous remercions les conservateurs du Musée de Saint-Germain-en-Laye et le personnel du service Mission du Développement culturel, de la Communication qui ont fait coïncider cet événement avec la date de notre visite.
Lire et télécharger le dossier de cet objet du mois, publié le 04 Avril 2018, sur le site du MAN. Texte de Catherine Schwab, conservateur en chef, conception graphique d'Aurélie Vervueren, service de la Communication.
Photo ci-contre extraite du dossier.
Texte ci-dessous, composé à partir d'extraits du dossier.
Vitrine Premier Biface
Objet du mois, avril 2018, Musée d'Archéologie Nationale, Saint-Germain-en-Laye.
Le premier biface du MAN et étiquette de la main de Boucher de Perthes /Ph JH
Ce biface n'est certes pas la plus belle pièce du Paléolithique ancien du MAN.
D'une douzaine de centimètres de long, grossièrement taillé dans un silex roux, il est particulièrement érodé et patiné.
Il s'agit du premier outil préhistorique donné par Jacques Boucher de Perthes inscrit sur l’inventaire du musée d’Archéologie nationale. C'est d'ailleurs le premier biface inscrit à l'inventaire du Musée.
Il est mentionné dans la marge que cet outil, trouvé à Abbeville, dans la Somme, avant 1840, a été montré aux académiciens, dès cette époque, à Paris. Ceux-ci n'ont pas voulu y prêter attention.
Un don longtemps refusé
Jacques Boucher de Perthes souhaitait offrir ses collections d'antiquités aux musées d'Abbeville et de Paris. Il en destinait aussi à Londres car ce sont des géologues anglais qui reconnurent les premiers l’authenticité de ses découvertes et validèrent ses hypothèses.
Il s'adresse d'abord au musée du Louvre et au musée de Cluny en 1845, puis au muséum national d'Histoire naturelle en 1849, mais sa collection n'intéresse pas les responsables.
En 1859, les découvertes de Boucher de Perthes sont enfin reconnues par les instances scientifiques. Le muséum accepte alors l'offre et la collection Boucher de Perthes est inscrite à l'inventaire en 1860.
Puis en 1863 c'est le musée de Saint-Germain-en-Laye qui sollicite Jacques Boucher de Perthes pour acquérir sa collection. Le surintendant des Beaux-Arts, Émilien de Nieuwerkerke, lui propose même de participer à la commission d'organisation du musée.
Boucher de Perthes, enchanté, s'offre à venir lui-même classer et présenter les objets de façon pédagogique car le public n'est pas encore habitué à contempler ce type d'objets ou d'œuvres.
Photos de la vitrine Premier Biface
1/ Vue d'ensemble
2/ Cartel de la vitrine
3/ Détail de la feuille d'inventaire. Les Abbevillois reconnaitront les noms familiers parmi les sites mentionnés...
photos YF
Vitrine Catalogage de la donation Boucher de Perthes
Dès lors , le préhistorien fit de très nombreux envois au musée de Saint-Germain. Chaque outil était inventorié et faisait l'objet d'une fiche si bien illustrée et détaillée que Mme Schwab et ses collègues ont pu facilement remettre en correspondance fiches et bifaces. Certaines pièces furent même moulées pour être diffusées.
Cependant les caisses s'accumulèrent au point qu'il fallut demander à Boucher de Perthes de cesser ses envois.
Photos Vitrine Catalogage
1/ Vue d'ensemble
2,3 et 4/ Comparaison des fiches descriptives d'origine avec les bifaces inventoriés
5/ Moule et moulage d'un des bifaces, c'est l'un des premiers moules de l'importante collection du musée
6 / Gravure montrant une des premières salles ouvertes au public dans la présentation d'origine
photos JH et YF
Vitrine Œuvre de Boucher de Perthes
Le legs comprenait, outre une surabondante collection de bifaces, de notes et de dessins, et des pièces archéologiques d'époques diverses, un exemplaire de chacune des nombreuses publications de l'auteur polygraphe...
Et d'étranges "pierres-figures"...
Boucher de Perthes défendait en effet l'existence de l'art préhistorique – ce qui par la suite s'avérera une juste intuition. Malheureusement les formes qu'il nomma «pierres-figures», n'étaient en réalité que de simples cailloux érodés par la nature, et non pas des sculptures.
Vous voyez ci-contre une "tête humaine", un "canard nageant", un "chien couché" (d'après les étiquettes manuscrites de Boucher de Perthes).
Ces excès d'imagination jetaient la suspicion sur ses découvertes et expliquent le discrédit dont ses théories furent l'objet.
On reprochait en effet à Boucher de Perthes son manque de rigueur scientifique. Il fut parfois dupé par les ouvriers qui fouillaient pour lui car il leur promettait des primes pour leurs trouvailles. Il acquit ainsi quelques objets retouchés, voire fabriqués de toute pièce. L'exemple le plus célèbre est la "mâchoire de Moulin Quignon", dont le musée de Saint-Germain détient le premier moulage.
Mme Schwab nous a confié qu'elle s'était piquée de curiosité pour ce donateur un peu oublié. Pour préparer ce dossier, elle a examiné de près une partie des collections, et a pu en conclure qu'il n'y avait "pas tant de faux qu'on l'a dit"...
Photos Vitrine Œuvre de Boucher de Perthes
1 et 2/ Vue d'ensemble
3/ Dédicace autographe de Jacques Boucher de Perthes. Chaque élément du don était soigneusement étiqueté et documenté par le préhistorien
4/ Choix de publications
4/ Choix de bifaces dont un (à gauche) visiblement retouché (différence de patine)
6 et 7/ Choix de "pierres-figures"
photos JH et YF
Malgré tout, une fois que les intuitions de Boucher de Perthes eurent fait leur chemin dans les esprits et que la Préhistoire fut bien établie en tant que science, les fouilles menées avec rigueur par ses successeurs rendirent ses travaux obsolètes.
Les caisses du donateur furent reléguées en réserve et aucun de ses bifaces ne figure plus dans les vitrines de la section Paléolithique que nous avons pu ensuite admirer lors de la visite guidée du musée.
A droite, une des vitrines du MAN consacrées au Paléolithique.
Dessous, un cartel pédagogique sur le biface. Ph JH
à venir dans un prochain article, nos photos de la
Visite du Musée National d'Archéologie
Ce musée, établi dans le vieux château de Saint-Germain-en-Laye, dispose de collections d'une richesse exceptionnelle. Ne manquez pas d'aller le visiter si vous n'avez pas pu nous accompagner.
A retrouver sur : http://musee-archeologienationale.fr/collections
Voir le site de la RMN : Le Musée d’Archéologie nationale célèbre ses 150 ans en 3D
L'agence photo de la RMN-GP. a réalisé la numérisation 3D de nombreuses œuvres emblématiques du musée d'Archéologie, comme la Dame de Brassempouy, la Vénus de Tursac ou encore le bâton percé représentant la chasse à l'auroch.
Tête féminine dite "la Dame de Brassempouy" ou "la Dame à la capuche"vers 21000 av J.C.; Fouilles Edouard Piette, 1894-97Paléolithique supérieur - Gravettiengrotte du Pape (site) (origine)ivoire de mammouth , sculpture (technique)
Découvrir tous les autres chefs d'œuvre numérisés du MAN sur le site de la RMN
Plus de 100 objets sont déjà disponibles.