Œuvre du mois 9
Conférence le 09/10/2015 à 18h
par Agathe Jagerschmidt, conservateur du musée Boucher-de-Perthes
Portrait de Madame Jassaud
et ses deux enfants
Nicolas de Largillière Paris, 1656 – Paris, 1746
Le thème : la représentation de la famille, le mois d'octobre étant le mois de la parentalité .
Huile sur toile
Don Lennel, 1922
Un grand panneau explicatif est à disposition des visiteurs pendant le mois d'octobre 2015. C'est un agrandissement du livret d'accompagnement à la visite que vous pourrez vous procurer à l'accueil, ainsi qu'un livret jeune public.
Télécharger ici le livret adulte.
Le texte est également disponible sur le site d'Abbeville /Musée / œuvre du mois.
Les photos de la séance
Nicolas de Largillière (Paris 1656 - Paris 1746), "le peintre des étoffes".
Mme Agathe Jagerschmidt présente d'abord la biographie du peintre. Son apprentissage se fait à Anvers où il est reçu maître de la guilde de Saint-Luc à 18 ans. Puis il exerce pendant quatre ans à Londres comme portraitiste.
De retour à Paris, il est reçu à l'Académie royale de peinture grâce à un portrait de Charles Le Brun (1619-1690), premier peintre de Louis XIV et directeur de l'Académie.
Après avoir été professeur et recteur de cette prestigieuse institution, Nicolas de Largillière en deviendra à son tour le directeur.
Bien qu'il excellât dans tous les genres, ses qualités particulières dans le domaine du portrait firent de lui un des portraitistes les plus recherchés de l'époque. Les amateurs appréciaient dans ses œuvres des qualités de "sensibilité et distinction, harmonie et éclat, mouvement et équilibre".
Comme son contemporain, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), il représenta de nombreux aristocrates et membres de la famille royale. Il leur préféra cependant les riches bourgeois, clients plus solvables.
A gauche, quelques exemples de portraits
1/ Portrait de Charles Le Brun.
2/ Louis XIV et sa famille
3/ l’Ex-voto à sainte Geneviève, 1696,
Voici l'analyse qui est faite de l’Ex-voto dans l'article de Universalis. : "l'une de ses œuvres majeures commandée par les échevins de Paris. C'est une très grande toile en hauteur, approximativement divisée en deux registres : en bas, les échevins, en habit de cérémonie, coiffés de leurs immenses perruques ; en haut, dans une gloire de nuages, des anges ; à droite, agenouillée sur un nuage, la sainte prie, les mains jointes. La composition unit les différents registres par un jeu habile de regards et de gestes ; dans une harmonie chaude, reposant sur des bruns dorés et des rouges, avec quelques violets étouffés, le vêtement vert et bleu de la sainte vient apporter la seule note froide ; les ports de tête, les expressions, les gestes sont rendus avec bravoure, et la virtuosité toute flamande du peintre éclate dans le traitement des costumes et des perruques".
La conférencière nous indique que le prix d'un grand tableau en pied pouvait dépasser 400 livres alors qu'une famille d'ouvrier devait vivre avec environ 7
livres par semaine. Chaque détail avait son prix, par exemple le tableau valait plus cher si les mains étaient visibles.
4/ Ci-contre un "échantillon" destiné à prouver l'habileté du peintre à pourvoir ses modèles de mains élégantes...
5/ Portrait de Marguerite-Elisabeth de Largillière
A propos du portrait de la fille aînée du peintre ci-contre, lire la fiche du Palais des Beaux-Arts de Lille : "Agée de 25 ans, le regard doux mêlé d’une pointe de complicité, la jeune femme pose, vêtue de brocard, de velours et de dentelles ; la chevelure poudrée est parée de pierres précieuses et de perles"...
Vous verrez bientôt l'importance de cette jeune femme pour le musée d'Abbeville.
Ces exemples démontrent la capacité de Largillière à "réaliser aussi bien des tableaux de chevalet que de monumentaux portraits collectifs pour les échevins de la ville de Paris. Sa peinture est marquée par un goût prononcé pour les riches étoffes et les toilettes recherchées qui donnent à ses portraits une grande théâtralité, reflétant une société élégante et raffinée. Ses œuvres sont brossées avec verve et les nombreux empâtements confèrent aux détails un aspect brillant tout en donnant du relief à la figure".
(extrait de la fiche "Portrait de famille" sur le site du Louvre).
Mais Nicolas de Largillière était également un artiste peintre à l'aise dans les autres "genres" de peinture reconnues par l'Académie. Son œuvre comporte aussi des natures mortes, des paysages, quelques toiles religieuses et de rares sujets mythologiques bien qu'il n'ait pas cherché à en faire commerce.
La conférence était illustrée de quelques exemples de ces autres travaux.
Les tableaux de Nicolas de Largillière présentés au musée Boucher-de-Perthes.
Le musée possède huit tableaux de Nicolas de Largillière.
L'un des tableaux nous vient des collections de Jacques Boucher de Perthes.
Les sept autres ont été donnés par la famille Lennel, la fille ainée de Nicolas de Largillière (dont nous présentons le portrait ci-dessus) ayant épousé un lointain
ascendant de cette famille.
Dans les salles du musée vous ne pourrez admirer que les cinq portraits présentés ici, en effet les trois autres sont en trop mauvais état pour être présentés.
A noter que ce dernier tableau Portrait de dame avec son fils, dont nous pouvons supposer qu'il s'agit de
Mme de Largillière et du fils de l'artiste, a été récemment restauré grâce aux Amis du musée.
Adhérer à l'Association des Amis du Musée
Boucher-de-Perthes,
c'est faire œuvre utile de mécénat pour la conservation de notre
patrimoine. |
Quelques informations particulières à propos de
Portrait de Madame Jassaud et ses deux enfants
Nous savons que ce tableau existe en trois exemplaires.
L'un d'eux est d'un format plus important (137 x 101 cm) et se trouve actuellement dans une collection japonaise, c'est celui qui fut exposé au salon et par conséquent sans doute l'original.
Une autre version dans un cadre rond a fait partie d'une collection privée. (reproduction ci-dessous)
Le problème est de savoir si les petits formats sont des copies dues à la main de l'artiste ou faites par des élèves de son atelier. Il semble raisonnable de penser que le portrait d'Abbeville, par sa qualité et son appartenance probable à la fille de l'artiste, est bien de la main de celui-ci.
Le portrait de Mme Marie-Anne-Magdeleine Jassaud, pourrait servir de "pendant" à celui de sa sœur aînée, Mme
Catherine Coustard, épouse de J. Aubry, marquis de Castelnau, peint quelques années avant. Sa qualité avait séduit toute la famille Aubry et valut à Nicolas de Largillière plusieurs autres
commandes.
Famille et enfants en peinture.
La conférence se termine par un historique des représentations de familles et d'enfants dans la peinture de chevalet. Mme Jagerschmidt l'illustre par quelques exemples.
Jusqu'au XVIe siècle, il n'est d'abord question que de la Sainte Famille.
Au XVIe siècle, les peintres des Pays-Bas et d'Angleterre s'exercent au genre portrait de famille avec un certain succès.
En France, apparaissent d'abord des représentations de la famille royale, ce sont des portraits d'apparat et si les enfants s'y trouvent c'est pour montrer la continuité de la dynastie. Dans un tout autre style, les Frères Le Nain représentent des familles de paysans, mais ce ne sont pas de véritables portraits, leurs œuvres ont plutôt le statut de scènes de genre.
Les enfants jusqu'au XVIIIe siècle ne sont pas considérés comme des personnes à part entière, on s'y intéresse assez peu et leurs représentations sont parfois maladroites.
C'est à la fin du XVIIe siècle et surtout au XVIIIe siècle que le portrait de famille se développe. On devine cependant assez peu de rapports d'affection parentale dans les tableaux avant la deuxième moitié du siècle, lorsque les idées sur l'éducation de penseurs comme Jean-Jacques Rousseau se diffusent et influencent les mœurs. Le tableau d’Élisabeth Vigée-Le Brun La Tendresse, datant de la fin du XVIIIe siècle, présente un bel exemple d'amour maternel.
C'est aussi à la fin du XVIIIe siècle que les tableaux de famille commencent à inclure des grands-parents.
Ci-dessous, autour des œuvres de Largillière et du thème des portraits de familles, figuraient quelques autres tableaux des collections du musée, dont deux de Pierre-Adrien Choquet, peintre abbevillois (1743/1813), qui montrent la famille réunie à l'occasion d'une naissance. Notez la présence de la nourrice à domicile et celle des grands-parents.
Voir les détails sur la page Pinterest du Musée.
Le XIXe siècle est celui de la glorification de la famille et du rôle de la mère, les représentations familiales et les portraits autonomes d'enfants deviennent alors abondants.
Pour aller plus loin...
Marie-Antoinette et ses enfants,
par Élisabeth Louise Vigée-Lebrun
Conférence à domicile : Portrait de famille ?
En relation avec le thème de l'objet du mois, nous vous proposons une intéressante vidéo sur un autre portrait de famille :
Marie-Antoinette et ses enfants,
par Élisabeth Louise Vigée-Lebrun
où l'on voit que la représentation de la famille n'est pas si anodine qu'on pourrait le croire !
Par Canal Educatif à la Demande (CED), un site à mettre absolument parmi vos favoris !
Elisaberh-Louise Vigée-Lebrun est l'objet d'une magnifique exposition au Grand-Palais du 23 septembre 2015 au 11 janvier 2016.
Cliquer sur l'image pour accéder à la vidéo.
Textes : JH.
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