Ce vendredi 9 janvier 2015, Agathe Jagerschmidt, conservatrice du Musée Boucher-de-Perthes, proposait dans le cadre de « L’objet du mois », la présentation de L’adoration des Mages, tableau de Mathieu Le Nain, œuvre appartenant au Musée Boucher-de-Perthes.
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Quelques images de la conférence
En présence de l'adjoint à la culture, Aurélien Dovergne, Agathe Jagerschmidt, conservatrice du musée depuis un peu plus d’un mois, a d’abord remercié l’équipe du Musée pour le travail de préparation qui s’est effectué dans un laps de temps assez court. Cela se montre de bon augure pour l’avenir.
Cette présentation était structurée en deux parties :
-
l’iconographie des Rois
mages
par François Seguin, conservateur du patrimoine,
spécialiste du Moyen Age,
-
l’œuvre du mois proprement
dite
le tableau L’adoration des Mages de Mathieu Le Nain
par Agathe Jagerschmidt.
Compte rendu : Nicole Seunes.
Iconographie des Rois Mages
L’évangile de Matthieu parle de l’adoration des Mages mais sans indiquer leurs noms, ni leur âge, ni leur provenance.
La première représentation connue date de la première moitié du IVe s, sur un sarcophage romain montrant 3 personnages, habillés de pantalons et chemises, ressemblant à des Perses.
Pourquoi sont-ils 3 ? Parce qu’ils ont 3 cadeaux (or, myrrhe et encens), 3 étant un chiffre symbolique.
La première mention de leurs noms apparaît dans un texte (Saint Pierre de Corbie) de la seconde moitié du VIIIe s : Melchior, Balthazar et Gaspard.
Au milieu du VIe s, sur une mosaïque de St Apollinaire de Ravenne, les mages sont représentés avec un bonnet phrygien, des pantalons et une veste.
Toujours au VIe s, ils ressemblent à l’empereur triomphant, comme Justinien, dans la procession lors de la cérémonie du triomphe des empereurs.
Vers 850, on trouve dans une initiale D enluminée, 3 rois mages et leurs cadeaux, représentant la rencontre avec Hérode.
Au Xe s on voit des rois, et non plus des mages, venus d’orient avec manteau ample et cadeaux. A la même époque le manuscrit Codex aureus présente différentes scènes de la vie des mages avec le Christ. Ils ressemblent aux rois, comme Hérode, ils portent les mêmes habits.
Au XIIe s, à Autun, l’accent est mis sur l’adoration des mages avec le symbole des différents âges : le plus âgé avec son cadeau, à genoux devant l’enfant Jésus, derrière le suivant montre l’étoile, ensuite le plus jeune écoute l’explication du sens de l’étoile. Un premier âge s'ajoute avec l’enfant Jésus qui représente l’enfance.
Le tympan de l’église de Vézelay montre la Vierge avec les mages, de même dans la cathédrale de Laon.
Au XIIIe s, un diptyque d’ivoire avec des mages représentant là aussi les différents âges de la vie avec l’étoile, est conservé au Louvre.
Au XIVe s, on les retrouve dans la cathédrale de Strasbourg.
Dans les Très riches heures du duc de Berry des ils sont représentés comme des musulmans orientaux avec des turbans, des vêtements riches, exotiques pour l’époque.
Au XIIe s toujours, a lieu la translation des reliques des rois mages dans la cathédrale de Cologne, dans la célèbre Chasse des Rois Mages.
L’iconographie devient alors de plus en plus riche, avec le jubé de Chartres (vers 1230), le portail de la Vierge à la cathédrale d’Amiens (1220) où ils sont suivis du roi Hérode, ce qui est rare, sous forme de statues colonnes, et Notre dame de Paris (1250).
En 1440, apparaît en Allemagne un roi noir africain pour signifier que le message du
Christ s’étend à toutes les parties du monde.
Joseph ne se voit qu’au XVe s à leurs côtés.
Des retables entiers sont consacrés aux rois mages à partir de cette époque. A la fin du Moyen Age, une architecture les entoure, comme une église ou des ruines (Botticelli, 1475).
Cette iconographie très riche, montre l’évolution de la diversité de la représentation des rois Mages, ressemblant à des romains, des perses, des empereurs romains, puis à des rois, des musulmans orientaux, des mages venus d’orient. Le mage noir apparaît tardivement.
L’ensemble des représentations met l’accent sur la symbolique de l’étoile, des cadeaux (or, myrrhe, encens), du chiffre 3, des âges de la vie.
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L’œuvre du mois :
L’adoration des mages de Mathieu Le Nain
Agathe Jagerschmidt commence par une étude descriptive de cette huile sur toile (95cm/116cm), de Mathieu Le Nain (1607-1677). A dextre, la Vierge et l’enfant, le bœuf, au centre les Mages et à senestre leur cortège. S’ensuit une étude des lignes de construction horizontales, verticales, diagonales, et les triangles que l’on peut dessiner.
Malgré le titre qui met en valeur les Rois Mages, ceux-ci ne paraissent pas les plus importants au premier abord mais, comme vous le voyez ci-contre grâce aux lignes de couleur, ils se révèlent, eux et leurs cadeaux, être l’élément essentiel de ce tableau.
Cette œuvre a été acquise en 1971 à la communauté des Ursulines de Saint Pierre. Un expert du Musée du Louvre est intervenu pour justifier l’achat.
Merci à Mme Jagerschmidt pour nous avoir communiqué les documents ci-dessus.
Les trois frères Le Nain, Antoine, Louis et Mathieu ont peint beaucoup de tableaux. Leur talent, leur réputation les a fait rechercher dans le tout Paris.
En 1648, Antoine et Louis meurent, reste Mathieu qui obtient la distinction très rare de l’Ordre de Saint-Michel, décernée par Louis XIV en 1672. Il meurt en 1677 avec une grande fortune et laisse 200 tableaux dans son atelier.
A la Révolution, beaucoup de leurs œuvres disparaissent et de nos jours il en reste peu. Les œuvres des Le Nain sont maintenant très appréciées, beaucoup de tableaux leur sont attribués pour faire monter leur cote. Le retour de leur grande renommée a lieu au XIXe s, comme l'indique l'entrée au Louvre à cette période du tableau La Forge ou Le repas des paysans de 1642, très banal et en même temps magnifique, car il montre la vérité du peuple. De nos jours, on les connait davantage pour ces œuvres montrant la réalité que pour leurs œuvres religieuses.
Toutes les œuvres des trois frères Le Nain ont été rassemblées en 1978 au Grand Palais. Plusieurs formes sont à distinguer :
- La peinture paysanne La Forge, 1628, au Louvre, Les trois âges, 1630 Londres National Gallery. Les personnages sont surpris dans leur vie de tous les jours.
- La peinture historique avec l’Allégorie de la victoire, l’Adoration des bergers, la Nativité ou la crèche.
Plusieurs influences marquent leurs tableaux : les flamandes, les italiennes, le maniérisme, le clair-obscur. Les trois frères ont puisé leur inspiration chez Velázquez, Rubens, Rembrandt, le Caravage, Poussin, Eustache le Sueur. Tous ces courants se croisent.
Identifier les tableaux de chaque frère est difficile car ils signaient Le nain, les prénoms n’apparaissaient pas et les trois mains travaillaient ensemble. Les spécialistes distinguent pourtant des différences entre les trois mains. Pourquoi attribuer l’Adoration des Mages à Mathieu Le Nain ? On ne sait pas, peut-être car il est le plus jeune et a vécu beaucoup plus longtemps que ses frères, il a donc produit plus qu'eux… Sur le cartel est écrit maintenant : « attribué à Mathieu Le Nain ».
L’œuvre invitée
Pour compléter le propos, la conservatrice nous propose les Gravures d‘Etienne Fessard, 1762, d’après les tableaux de Charles Joseph Natoire pour la Chapelle des enfants trouvés de Paris. L'ensemble des 14 gravures se retrouve à Chalons en Champagne, Abbeville en possède 7. On y retrouve des représentations des rois Mages, montrant ainsi l’intérêt artistique qu’on leur portait à cette époque.
Les membres de l’assemblée, nombreux, remercient François Seguin et Agathe Jagerschmidt pour cette conférence intéressante et richement documentée.
Le prochain objet du mois aura lieu le mercredi 11/02/2015 à 18 heures au Musée avec comme sujet Polichinelle. Nul doute que nous viendrons nombreux et avec plaisir, très heureux de cette première manifestation.
Si vous voulez approfondir ce thème, consultez le site du diocèse d'Alsace. On y trouve une très importante collection de représentations des mages classées chronologiquement, par pays, par type (peinture, sculpture, vitrail...)
A consulter aussi : "L'épiphanie en estampes" sur le site Estampes.hypothèses.org. Vous y trouverez la série du graveur Fessard dont, ci-contre, L'adoration et La suite royale où l'on voit la pyramide et l'arc en ruine comme dans le tableau de Le Nain.
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Cathie (mardi, 20 janvier 2015 19:34)
intéressant, trés intéressant même !!!mille mercis de partager et le savoir est formidable à transmettre et recevoir!!!